Les Aigles de Rome, amitiés et trahisons tumultueuses en bande dessinée

Une belle amitié qui tourne au vinaigre, de la violence, du sexe, le tout sur fond d’un des plus grands désastres militaires survenus dans les débuts de l’empire… la bande dessinée les Aigles de Rome à tout pour plaire aux passionnés d’histoire romaine.

Arminius et Marcus, caractères bien trempés et personnages bien campés

Ermanamer est un jeune barbare de sang germain, un chérusque, que sa famille confie comme otage aux romains vainqueurs d’une bataille aux confins de l’empire. Le germain part pour Rome, où l’empereur Auguste demande à Titus Valerius Falco, militaire retraité et époux d’une femme germaine, de le prendre sous son aile.

Ermanamer, renommé Arminius chez les romains, va grandir aux côtés de Marcus, fils de Falco. Les deux garçons, dont les relations démarrent sur de biens mauvais rails, finissent pourtant par s’entendre et par nouer une étroite amitié.

Les deux garnements partagent en effet une éducation dure et stricte qui vise à les endurcir et à faire d’eux des soldats formés au métier des armes.

Une amitié fluctuante

Arminius et Marcus, devenus adultes, prennent le chemin de Rome et réalisent ensemble les 400 coups, partageant les bonnes comme les mauvaises rencontres. Au fil de l’eau, poursuivant des intérêts divergents, nos deux protagonistes finiront par se fâcher et se perdre de vue.

Mais même quand leur amitié semble compromise, le destin trouve les moyens de les réunir. Tous deux sont en effet envoyés sur le front, en Germanie. Arminius, ambitieux et carriériste, y évolue dans les rangs de l’armée romaine… où se retrouve bientôt propulsé à son tour Marcus, dépêché sur place par Auguste. Le premier empereur romain nourrit quelques doutes sur la loyauté du germain. Il souhaite épier ses faits et gestes, le placer sous surveillance.

Les soupçons d’Auguste s’avèreront justifiés : Arminius est sollicité par certains membres de sa famille locale, qui supportent mal l’ingérence des romains dans leurs affaires, et souhaiteraient se libérer de leur domination…

L’intrigue des Aigles de Rome tourne autour d’Arminius et de Marcus, deux personnages au caractère bien trempé.

Le désastre de Teutobourg pour toile de fond

Nous nous arrêterons là pour ne pas trop dévoiler le scénario de cette bande dessinée. Sachez toutefois qu’à travers cette intrigue qui suit le destin de deux hommes, se dessine en toile de fond une des grandes tragédies du règne d’Auguste. Celle d’une trahison qui aboutira à une défaite cuisante et humiliante de l’armée romaine, en territoire germain, la bataille du Teutobourg.

A travers cette déroute cinglante subie par Varus, le général à la tête des troupes anéanties dans une embuscade tendue par les germains, c’est Rome toute entière qui essuya un terrible revers. La bataille du Teutobourg se conclura par la disparition de trois légions et des précieuses aigles romaines, tombées aux mains des barbares. La perte de ces symboles représentant l’autorité de Rome, était synonyme d’un grand déshonneur.

Cette bataille à l’issue dramatique pour Rome a profondément marqué les esprits en son temps. Si l’on en croit l’historien romain Suétone, on pouvait régulièrement entendre Auguste, profondément affecté, soupirer “Varus, rends-moi mes légions !” dans les mois qui ont suivi le désastre. La débâcle de Teutobourg, où tant de romains ont péri et qui a montré que l’armée romaine n’était pas invincible, reste pour les historiens modernes un sujet de discussion et d’étude. Yann Le Bohec, notamment, a décortiqué et analysé les conditions de ce revers militaire.

On plonge avec délice dans la Rome sulfureuse dessinée par Enrico Marini.

Les Aigles de Rome, une bande dessinée à ne pas manquer

La saga des Aigles de Rome est assurément une réussite. Les planches, riches en détails, offrent de belles perspectives sur des paysages ruraux ou urbains, qui apportent une belle cohérence à l’époque et au récit. Les dessins, soignés, sont servis par de belles couleurs, particulièrement plaisantes à l’œil.

Le récit, qui alterne savamment moments de calme, de romance, et d’action, s’avère vite captivant et ne manque pas de rythme. Ebats amoureux représentés avec une certaine crudité, langage fleuri et insultes, rixes sanglantes… Les Aigles de Rome se destinent assurément avant tout à un public adulte, averti.

Tout le monde est susceptible d’y trouver son compte avec Les Aigles de Rome : les amoureux de bande dessinée comme les passionnés de Rome, qui apprécieront le soin apporté aux détails, perceptible dans les dessins, mais également dans le vocabulaire utilisé (les termes latins, nombreux, sont rassemblés et définis dans un lexique habilement placé à la fin de chaque tome, ce qui s’avère plus discret, plus judicieux que des notes glissée dans les pages). Certes, Enrico Marini prend quelques liberté vis à vis de l’Histoire telle qu’elle nous est racontée par les anciens, mais ne boudons pas notre plaisir. On se plait à suivre l’itinéraire des personnages dans cette intrigue « inspirée de faits réels ».

L’auteur, Enrico Marini, opère seul aux commandes, que ce soit pour le dessin ou pour le scénario. Cela explique peut-être pourquoi la série, entamée avec la sortie d’un premier volume en 2007, ne voit les tomes sortir qu’au compte-goutte. En dehors de ce rythme de parution un peu lent à notre goût, il n’y a pas grand chose à reprocher à cette magnifique saga, une des plus belles bandes dessinées ancrées dans l’histoire de l’empire romain. Foncez les yeux fermés.