Numismatique Romaine

La louve sur les monnaies romaines

Louve romaine et les jumeaux Rémus et Romulus au revers d'un aureus d'Hadrien (BNF)
Dernière mise à jour le 3 juin 2023

L’image de la louve allaitant les jumeaux Rémus et Romulus est depuis toujours indissociable de la ville de Rome. Et pour cause, puisqu’elle est intimement liée au mythe de sa fondation. Dès l’antiquité, les romains ont tout naturellement utilisé ce symbole identitaire fort sur leurs monnaies. Revenons un instant sur la légende des origines de Rome, avant de retracer la présence de la louve au fil des émissions monétaires, depuis la République jusqu’à la chute de l’Empire.

La louve et la légende de la fondation de Rome

D’après la légende, Rome a été fondée par des jumeaux, nommés Romulus et Remus. On les disait fils du dieu Mars, et d’une prêtresse qui aurait également été la fille d’un roi d’Albe, Numitor. Sur ordre de leur oncle Amulius, parvenu à s’emparer du pouvoir et décidé à éliminer de potentiels futurs prétendants au trône, les jumeaux furent dès leur naissance déposés dans un panier qui fut abandonné et laissé à la dérive sur le Tibre. Toutefois le panier ne chavira pas, mais s’échoua sur la rive gauche du fleuve, au pied de la colline du Palatin. Les jumeaux furent allaités un temps par une louve qui vint à passer par là, alertée par les pleurs des nourrissons.

Dans d’autres versions de la légende, c’est Faustulus, berger de Numitor, qui découvre les enfants abandonnés dans leur panier, ou qui surprend la louve les allaitant. Il confie alors les jumeaux aux bons soins de sa femme, une prostituée répondant au surnom de Lupa (la louve, en latin).

Devenus adultes, les frères fondèrent un village sur la colline du Palatin, à une date estimée autour de en 753 avant Jésus Christ. Le village fut appelé Rome, du nom de Romulus.

Premières apparitions de la louve sur les monnaies de la République

L’image de la louve allaitant les jumeaux apparaît dans tous les cas comme un symbole fort, qui perdurera à travers les siècles et incarnera Rome de part le monde. La louve, consacrée à Mars, le dieu de la guerre, orne notamment les étendards des légions, mais on lui érige aussi de nombreuses statues, comme celle qui sera dressée au Palatin en 295 avant Jésus Christ.

Aussi, la louve nourricière, évocatrice de la fondation de Rome et indissociable de celle-ci, est rapidement représentée tout naturellement sur de nombreuses monnaies romaines. Elle constitue une image privilégiée qui revient de façon récurrente au fil des émissions monétaires.

Elle apparaît tout d’abord au revers des premières monnaies d’argent frappées vers le milieu du IIIème siècle avant Jésus Christ. Ces magnifiques didrachmes présentent à l’avers le portrait d’un Hercule imberbe.

Hercule apparaît très rapidement sur le monnayage des romains, comme l'atteste cette très belle monnaie datée du milieu du IIIème siècle avant JC. Le héros, imberbe, est reconnaissable à la massue, visible à la base du cou. Le revers montre la louve et les jumeaux, Rémus et Romulus. [© BNF]

La louve figure déjà sur les premières monnaies d’argent des romains. [© BNF]

On retrouve la louve en 137 avant Jésus-Christ, sur un denier émis par le monétaire Sextus Pompeius Fostulus. Fostulus a choisi pour ce denier une scène représentant le berger Faustulus, son homonyme, découvrant la louve allaitant Rémus et Romulus sous le figuier sacré, Ficus Ruminalis.

Sur le revers de ce denier, le berger Faustulus surprend la louve allaitant les jumeaux, sous le figuier sacré [© CGN]

Sur le revers de ce denier, le berger Faustulus surprend la louve allaitant les jumeaux, sous le figuier sacré. [© CGN]

Toujours sous la République, la louve apparaît, sans les jumeaux cette fois, sur un denier émis Publius Satrienus, 77 avant Jésus Christ. Sur ce dernier orné par un portrait de Mars, la louve figure alerte, une patte en l’air, ses mamelles bien visibles, protubérantes.

Sur le denier de Publius Satrienus, émis en 77 avant Jésus Christ, la louve apparait seule, sans les jumeaux. [© CGN]

Sur le denier de Publius Satrienus, émis en 77 avant Jésus Christ, la louve apparait seule, sans les jumeaux. [© CGN]

La louve et les jumeaux, un thème récurrent sur les monnaies impériales

Aux débuts de l’empire, la dynastie des julio-claudiens délaisse quelque peu le symbole de la louve. Il faut attendre la dynastie suivante, celle des flaviens, pour assister à son retour en grandes pompes. Vespasien tout d’abord, la fait représenter au revers d’un magnifique sesterce, chargé de nombreux symboles. Rome, personnifiée, est assise sur les sept collines de la ville. A ses pieds se trouvent le Tibre, personnifié lui aussi, et la louve allaitant les jumeaux. Les successeurs de Vespasien, ses fils Titus et Domitien auront eux aussi recours à l’image de la louve et des jumeaux, qui sera reprise sur de nombreuses monnaies émises durant leurs règnes respectifs.

Sesterce de Vespasien montrant Rome assise au revers, entourée de symboles qui évoquent la cité : les 7 collines, le Tibre, la louve et les jumeaux.

Sesterce de Vespasien montrant Rome assise au revers, entourée de symboles qui évoquent la cité : les 7 collines, le Tibre, la louve et les jumeaux. [© British Museum]

Les antonins rendront eux aussi un hommage appuyé à la louve. A commencer par Trajan, qui reprend sur un denier un motif émis du temps de la République. On peut voir sur cette pièce Rome reposer assise sur un tas de boucliers. Deux colombes volent au-dessus d’elle, et la louve allaite les jumeaux à ses pieds.

Sous la dynastie des Sévères, qui prennent la relève, l’image de la louve se fait plus rare sur les monnaies frappées à Rome. On peut la voir toutefois sur des monnaies émises depuis les Provinces, sous ces empereurs.

Il faut attendre le règne de l’empereur Philippe l’Arabe pour revoir la louve sur des monnaies. L’animal emblématique est reproduit sur une série monétaire émise à l’occasion de jeux célébrant les 1 000 ans d’existence de Rome.

La louve romaine, éternel étendard de ralliement dans la chute

Après cela, l’empire romain bascule dans des heures de plus en plus sombres. Les règnes s’enchaînent et se succèdent à grande vitesse, sur fond d’instabilité politique. Dans cette spirale descendante, de nombreux empereurs ont encore recours au symbole de la louve nourricière. Que ce soit pour se réclamer de la lignée de Romulus, ou pour faire écho à une époque lointaine, à un âge d’or désormais révolu qu’ils prétendent restaurer, des empereurs comme Probus ou Carausius choisissent d’utiliser la thématique de la louve sur leur monnayage.

Au début du IVème siècle après Jésus Christ, Constantin, qui vient de fonder la future Constantinople, capitale de l’Empire Romain d’Orient, émet à son tour une série monétaire frappée de la louve. En cette époque où l’empire se divise désormais en deux, elle incarne encore la filiation avec la vieille ville de Rome, capitale de l’Empire d’Occident.

Petit bronze de Constantin 1er, frappé dans le 1er tiers du IVème siècle après Jésus-Christ.

Petit bronze de Constantin 1er, frappé dans le 1er tiers du IVème siècle après Jésus-Christ. [© American Numismatic Society]

Tout au long de l’histoire de Rome, la thématique de la louve allaitant les jumeaux fondateurs de la cité, Rémus et Romulus, aura été largement exploitée sur le monnayage émis par les romains et leurs empereurs successifs. Le symbole sera tantôt passé de mode, tantôt revenu en vogue au fil des siècles et des dynasties, mais aura traversé des siècles d’histoire romaine pour incarner à lui seul la Rome des origines dans l’imaginaire des romains et des peuples qui les ont côtoyés.
De nos jours encore, la louve romaine reste une thématique appréciée par les numismates, un emblème fort, reconnaissable entre mille, qui fait partie de l’identité de Rome.


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