Si l’aureus est la plus connue des monnaies romaines en or, elle n’a pas été la première frappée par les romains métal précieux. Découvrez l’histoire des monnaies en or romaines, le contexte historique dans lequel elles sont apparues, et comment l’aureus s’est imposé comme la pièce la plus prestigieuse du système monétaire romain.
Sommaire
De l’as, monnaie de bronze, à l’aureus, monnaie en or
Pendant longtemps, le monnayage des romains, peuple d’agriculteurs travaillant la terre, a reposé sur l’as, une monnaie en bronze, et sur ses subdivisions. Dans le cadre de son expansion, Rome entre en conflit avec les cités de la péninsule italienne qui sont encore rattachées au monde hellénistique et qui forment ce que l’on appelle la Grande Grèce. Systèmes monétaires grecs et romains se alors rencontrent et se comparent.
Avant l’or : le bronze et l’argent
Le monnayage romain, basé sur l’as en bronze coulé, est lourd, frustre, peu pratique. Le monnayage qui a cours dans les cités placées sous influence grecque s’appuie pour sa part sur des monnaies frappées en argent, finement travaillées, porteuses de symboles.
Pour payer la solde de son armée et de ses troupes alliées, dont certaines proviennent directement des régions frontalières du conflit, Rome doit faire évoluer son monnayage, l’adapter. Elle le fait en intégrant à son système monétaire des monnaies en argent, basée sur un étalon comparable à celui du système grec, et compatible avec celui-ci. Le bronze n’est dès lors plus le seul métal utilisé pour les monnaies romaines.
Les guerres puniques, qui voient Rome en découdre avec Carthage, vont également avoir un impact direct sur le système monétaire des romains, et les pousser à recourir à l’or.
Les statères, premières monnaies romaines en or
C’est en effet dans le contexte des guerres puniques, et toujours pour financer ses opérations militaires, que Rome ajoute, en 219, un nouveau métal à son monnayage. Aux côtés de l’argent et du bronze (l’as et ses subdivisions ont toujours cours), l’or fait cette fois son apparition à travers des statères. Ces exceptionnelles monnaies d’or sont ornées à l’avers d’une tête janiforme (de Janus, à deux têtes) figurant les dioscures, Castor et Pollux.
La scène visible au revers montre deux soldats en armes, encadrant un troisième personnage. Agenouillé, il lève ses yeux vers eux, et tient dans ses bras un cochon qu’il s’apprête à sacrifier.
Exemplaire d’un statère d’or émis dans le contexte des guerres puniques : la première monnaie romaine en or. © American Numismatic Society
Naissance de l’aureus, au cours des guerres puniques
Le denier en argent voit le jour vers la fin du IIIème siècle avant Jésus Christ. Il supplantera l’as de bronze dans les échanges et s’imposera pendant des siècles comme l’unité centrale du système monétaire romain. Mais les romains émettent également de nouvelles monnaies d’or, à la même époque. Ces aurei (pluriel d’aureus) sont frappées avec le portrait de Mars, thème déjà utilisé précédemment sur des didrachmes, monnaies d’argent. Au revers, un aigle tenant des foudres dans ses serres remplace toutefois la tête de cheval qui se trouvait sur les didrachmes.
Ces aurei sont déclinés en plusieurs poids correspondant à différentes valeurs :
- l’aureus valant 60 as
- l’aureus valant 40 as
- l’aureus valant 20 as
Les 3 variantes sont frappées avec les mêmes types (Mars à l’avers, l’aigle au revers).
Superbe aureus valant 60 as. 3,36 grammes d’or antique. © BNF
Ses monnaies frappées en urgence, pour pallier aux dépenses militaires, restent exceptionnelles.
L’aureus, un rôle de plus en plus affirmé en contexte de guerre
Rome, en s’opposant, à divers adversaires au cours de son expansion, que ce soit les cités sous influence grecque ou bien Carthage, sa grande rivale établie de l’autre côté de la Méditerranée, a été contrainte de faire évoluer son système monétaire pour intégrer les monnaies d’or. Ce afin de faciliter les échanges avec des peuples familiers d’autres systèmes.
Mais après les guerres puniques, la monnaie d’or va s’installer durablement chez les romains, poussée par des nécessités liées à une nouvelle série de guerres.
Sylla et l’or grec
D’autres aureus seront émis après les guerres puniques, au Ier siècle avant Jésus Christ, toujours dans des contextes de guerres… mais civiles, celles-ci. Sylla, au terme d’une importante campagne en Grèce, où il a fait main basse sur les trésors de nombreux temples, émet des frappes d’aureus, avant de se lancer dans une importante campagne de reconquête en Italie.
Un aureus émis par Sylla. © American Numismatic Society
Des frappes massives d’aurei sous César
César à son tour, dans des conditions assez similaires d’ailleurs, se retrouvant à la tête d’un butin conséquent à l’issue de la guerre des gaules, fait frapper des aurei, une première fois en 48 avant Jésus Christ, année qui marque le point culminant de sa rivalité avec Pompée le Grand. Puis en 46 avant Jésus Christ, à Rome. Les frappes sont cette fois massives, au point que les monnaies émises à cette époque se retrouvent encore aujourd’hui en quantité non négligeables, et ne sont pas les monnaies les plus chères sur le marché, mais restent au contraire relativement abordables. Leur poids est de 7 grammes environ, inférieur à l’aureus denarius de Sylla.
César, habile, sait qu’il faut se ménager les faveurs de ses troupes, et s’assurer de leur fidélité en les couvrant d’attentions. Il fait régulièrement distribuer du numéraire à ses légions, dans le cadre de donativa. Ces revenus sont précieux pour les soldats qui apprécient ces revenus qui s’apparentent à des primes venant compléter leur solde, la partie “fixe” de leur salaire.
Un aureus frappé par César en 46 avant Jésus Christ. © American Numismatic Society
La monnaie d’or au cœur des guerres civiles après César
L’assassinat de César en 44 avant Jésus Christ laisse place à une période de très haute tension, ou se dessinent deux camps, toujours sur fond de guerre civile. D’un côté les meurtriers de César, qui ont fui Rome, et de l’autre les successeurs de ce dernier, Marc Antoine et le jeune Octave, bien décidés à le venger.
Les deux camps vont surenchérir dans l’émission de monnaies d’or, pour se garantir l’appui et la fidélité de troupes susceptibles de se vendre au plus offrant. Une fois César vengé et ses assassins éliminés, le torchon finit par brûler entre Octave et Marc Antoine, dans une situation qui s’envenime sur plusieurs années. Le dénouement ne surviendra qu’à la bataille d’Actium, remportée par Octave en 31 avant Jésus Christ.
L’aureus, au sommet de la réforme monétaire d’Auguste
Restant seul maître à Rome, ce dernier devient le premier des sénateurs et instaure le Principat. En 27 avant Jésus Christ, il se voit décerner le nom d’Auguste, sous lequel il sera maintenant désigné. L’empereur entreprend en 19 avant Jésus Christ une importante réforme monétaire. L’aureus va dorénavant s’installer durablement au sommet du système monétaire romain.
L’aureus défini dans la réforme d’Auguste est une monnaie en or pesant 7.85g. Il vaut 25 deniers.
Voici un aureus frappé sous Auguste, en 27 avant J.-C. © BNF
Le quinaire d’or
Le quinaire d’or, division de l’aureus, est établi à 3.92 grammes et vaut donc un demi aureus. Les quinaires seront produits dans des quantités bien inférieures à celles de l’aureus. Tous les empereurs ne font pas systématiquement frapper des quinaires. Le quinaire d’or reste donc une monnaie d’or particulièrement rare et coûteuse aujourd’hui.
Signalons que si l’aureus avait son quinaire d’or, le denier avait son quinaire d’argent, qui valait la moitié de celui-ci.
L’aureus : évolution et déclin, du temps d’Auguste au début du IVème siècle
Le système monétaire mis en place par Auguste va perdurer sous les empereurs suivants, jusqu’à une nouvelle réforme opérée par Néron.
La frappe des aureus se poursuit durant plusieurs siècles, même si leur poids est peu à peu revu à la baisse, jusqu’à ne peser qu’un peu plus de 5 grammes à la fin du IIème siècle après Jésus Christ. Les émissions d’aureus cessent tout à fait au début du IIIème siècle, lorsque Constantin crée une nouvelle monnaie, le solidus.
Le solidus prend la place de l’aureus
Le solidus, autre monnaie romaine en or, prend la place de l’aureus. Les premiers solidus sont frappés à Trèves en 309. Leur poids est fixé au cours des années suivantes à 4,5g, bien loin du poids des premiers aureus. Placés à côté de ces derniers, les solidus paraissent pourtant plus grands, mais ils contiennent moins d’or. Certes, la surface du flan est plus large, mais la pièce est plus mince que l’aureus, et les reliefs de la frappe sont moins prononcés.
Un solidus émis par Constantin 1er. © American Numismatic Society
Semis et le tremissis, divisions du solidus
D’autres pièces romaines en or verront le jour après cela. Le semis et le tremissis, qui sont tous les deux des divisions du solidus.
- Le semis vaut un demi solidus, avec un poids de 2,25 grammes
- Le tremissis vaut un tiers de solidus, avec un poids de 1,5 grammes
Le solidus et ses divisions, semis et tremissis, resteront en usage jusqu’à la fin de l’empire romain.